Fertilisation des blés en bio : quels résultats en région PACA sans irrigation ?

Par Mathieu Marguerie
mathieu.marguerie@bio-provence.org

Depuis maintenant plus de deux ans, Agribio 04 analyse les performances agronomiques de parcelles de blés tendre et dur biologiques relativement à leur niveau de nutrition azotée. Pour cela, des blés placées dans diverses conditions de rotation, avec ou sans fertilisation sont analysés.

Plus encore que les aspects climatiques, une faible nutrition azotée est, en agriculture biologique, le premier facteur limitant du rendement des blés en région PACA. Cet état de nutrition azotée est classiquement mesuré par l’INN, pour Indice de Nutrition Azotée. L’INN est fortement relié au pourcentage atteint du rendement potentiel climatique, représentant la quantité théorique de blé récoltée sans autre facteur limitant que le climat (Figure 1). Si la nutrition azotée des blés est souvent optimale en conventionnel (INN à floraison de 1), elle l’est généralement beaucoup moins en agriculture biologique, à l’exception de systèmes en polyculture-élevage permettant des apports en quantité suffisante et à moindre frais. Cette « carence » en azote des systèmes biologiques est généralement précoce et diagnostiquée dès la montaison, ce qui impactera potentiellement le nombre d’épis par plante et le nombre de grains par épi, en plus de la qualité. En bio, la fertilisation se raisonne avant tout en termes de fertilité à l’échelle de la rotation avec en premier lieu une forte présence de légumineuses permettant d’augmenter l’azote présent dans le système.


Figure 1 : Pourcentage atteint du rendement potentiel climatique du blé tendre en fonction de l’indice de nutrition azotée. Parcelles en agriculture biologique en région PACA diagnostiquées entre 2014 et 2017.

Le choix variétal, un levier pour atteindre les exigences qualitatives de la filière

En second lieu, le choix variétal représente un réel levier pour atteindre des objectifs de rendement et de qualité sur céréales, blés tendre et dur en particulier. Il est à raisonner en fonction du précédent cultural et donc de la fourniture azotée potentielle présente dans le sol. En cas de faible disponibilité en azote, comme c’est le cas en région PACA, il conviendra de ne pas s’orienter vers des variétés trop productives (figure 2). Les essais réalisés depuis 4 ans par Agribio 04, Arvalis et le Parc Naturel Régional du Luberon ont mis en évidence des variétés trop productives pour les conditions de nutrition azotée de la région et, à l’inverse, des variétés offrant de bons compromis rendement/protéines.


Figure 2 : compilation de trois années d’essais de variétés de blés tendres et poulards en sec et en irrigué en bio à Mane (sud des Alpes de Haute-Provence). En bleu figurent les variétés modernes et en violet les variétés paysannes. Le cercle bleu caractérise des variétés très productives, au détriment du taux de protéines, dans les conditions limitantes en azote usuelles en bio en région PACA. Le cercle violet regroupe des variétés offrant de bons compromis rendement/protéines. Graphique issu de Perspectives Agricoles

L’apport de fertilisants azotés organiques impacte positivement le rendement, y compris derrière légumineuse

La fertilisation azotée des blés en cours de culture est un autre levier important pour garantir une nutrition optimale pouvant permettre de limiter les carences, principalement en fin de cycle du blé. Le choix de fertiliser doit prendre en compte l’état de salissement de la parcelle : en cas de fortes infestations d’herbes adventices et de mauvais développement de la culture en sortie d’hiver, il est recommandé de peu fertiliser. En bio, les apports ne dépassent généralement pas 80 unités/ha afin de ne pas favoriser les mauvaises herbes nitrophiles et les maladies. En 2016 et 2017, Agribio 04 a mené des essais sur différentes dates d’apport d’azote sur des cultures de blé tendre ou de blé dur avec différents produits (Figure 3). Ces essais ont été réalisés sans irrigation dans des contextes marqués de sécheresse précoces au printemps (2016) ou plus tardives mais avec des gels en avril (2017) Sur deux années d’essais, on constate que :
-  Une fertilisation précoce mi-février à début mars (en moyenne 50 unités d’engrais du commerce comprenant une dizaine d’unités d’azote pour 100 kg de produits) permet de sécuriser le rendement, y compris derrière luzerne (gain de 10 quintaux en 2017 sur un des essais).
-  La fertilisation précoce a permis d’augmenter la fertilité d’épis de manière significative, expliquant l’essentiel de l’augmentation du rendement.
-  Un apport tardif début à mi-avril (20 unités en moyenne) n’a pas permis d’augmenter de manière très significative le rendement, compte tenu de la présence moins importante de pluie à cette période, entrainant ainsi une moins bonne minéralisation ou son décalage par rapport aux besoins azotés du blé.
-  Du fait de cette mauvaise valorisation de l’azote organique, un apport tardif, dans la gamme de produits testés, n’a pas permis d’augmenter le taux de protéines.
-  Un apport fractionné composé d’un apport précoce et d’un apport tardif n’a pas eu d’impact significatif sur le rendement par rapport à un seul apport précoce, ni sur le taux de protéines (qui était l’objectif final d’une telle modalité). En présence d’irrigation, le fractionnement de l’apport d’azote peut en revanche s’envisager avec une plus grande efficacité.


Figure 3 : Effet de différents dates de fertilisation sur les composantes de rendement des blés : gains ou perte en pourcentage par rapport au témoin non fertilisé. Données issus de quatre récoltés en 2016 et 2017 sur blé tendre (3 essais) et blé dur (variétés modernes dans tous les cas) des Alpes de haute-Provence en l’absence d’irrigation dans des conditions pédologiques variés (réserve utile de 130 mm dans 3 essais ; réserve utile de 60 mm dans un autre des essais). Les essais ont été réalisés avec du Omendis 9.4.1, du Kerazote 10.2.2 et de l’Azobio 10.4.0

De ces essais, peut donc être mis en avant l’intérêt d’une fertilisation précoce des blés (dès mi-février si les conditions le permettent), au vu d’une diminution de la fréquence potentielle des pluies en climat méditerranéen avec la fin de l’hiver ou le début du printemps. Au vu de ce climat compliqué, et en l’absence d’irrigation, il est également conseillé de choisir des fertilisants capables de minéraliser rapidement. Des produits comme la vinasse de betterave, de soies de porc ou de guano avec des farines de plume ont une vitesse de minéralisation plus importante (50 % de minéralisation de l’azote sous 90 jours) comparé à d’autres produits (30% en 90 jours) (Figure 4).


Figure 4 : % d’azote minéralisé sous 90 jours de différentes matières fertilisantes (source CREAB).

Un impact économique dépendant de la situation agronomique

L’analyse économique de ces essais présente un bilan contrasté, fortement dépendant de la situation agronomique de la parcelle. En supposant un blé tendre vendu 380€/T et un blé dur à 500€, le gain moyen espéré est de 2.3€ par unité d’azote épandue, avec une forte variabilité selon les situations (Figure 5). Les apports précoces d’azote à hauteur de 50 unités ont permis un gain compris entre 2.80€, dans les situations les moins favorables -terres peu profondes et enherbées- et 7.60€ par unité d’azote apportée, dans les situations les plus favorables, à savoir des terres profondes et un enherbement maîtrisé. Concernant les apports tardifs, le gain de produit par unité d’azote apporté semble fortement conditionné au potentiel agronomique de la terre et au climat puisqu’il varie de -0.5 à 4.7€. Enfin, les modalités d’apports fractionnés présentent une rentabilité moindre par rapport à un apport seul. Cela s’explique par leur efficacité agronomique égale à un apport non fractionné pour une quantité d’azote épandue plus importante. La rentabilité finale (gain-charges) dépend fortement du prix de l’unité d’azote apporté, ajouté du passage de l’épandeur. Ce coût est en moyenne de 3.2€/unité d’azote apportée dans les essais menés. La rentabilité économique des apports d’azote sera donc favorisée par des bonnes conditions de développement du blé, c’est-à-dire en présence de peu d’adventices.


Figure 5 : gains de produit par unité d’azote apportée (en €) dans les essais de fertilisation réalisés en 2016 et 2017 dans les Alpes de Haute-Provence. BD indique les essais réalisés en blé dur et BT en blé tendre. Les essais menés à Mane l’ont été dans des conditions favorables (faible enherbement et terres profondes avec une réserve utile autour de 120 mm). Les essais menés à Saint Jurs l’ont été dans des conditions plus défavorables (enherbement important et réserve utile autour de 50 mm).

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