Fertilité des sols en grandes cultures : vers une couverture du sol accrue en bio ?

15 avril 2017

Par Mathieu Marguerie
Les 28 et 29 mars derniers, une quinzaine de céréaliers bios ou en semis direct se sont retrouvés dans les Alpes de Haute-Provence pour discuter fertilité des sols pendant deux jours. Retour sur quelques enseignements des discussions qui ont eu lieu lors de cette formation organisée conjointement par Agribio 04 et le réseau BASE (Biodiversité, Agriculture et Environnement) PACA et animée par Karim Riman, agro-écologue.

Préserver nos sols est un enjeu vital. Selon la FAO, 33% de cette ressource est dégradée au niveau mondial. En France, 20% des surfaces agricoles ont changé de vocation en l’espace de 50 ans et l’on prévoit d’ici 2050 une réduction d’un tiers des meilleurs terres agricoles du pays (SAFER). Artificialisation des terres et mauvaises pratiques agricoles (érosion, baisse de matières organiques, de biodiversité, imperméabilisation…) semblent représenter un cocktail détonant. Comment contribuer donc à préserver ce capital sol ? C’est la question qui a été débattue pendant deux jours, preuves à l’appui.

Diagnostiquer soit même la fertilité de ses sols

Avant d’agir, il faut connaître son sol : est-il compacté ? Sa structure favorise-t-elle une bonne pénétration racinaire ? Son activité biologique est-elle élevée ? Autant de questions auxquelles, moyennant un peu de pratique et une bêche, les agriculteurs peuvent répondre eux même. C’est le fameux « test-bêche ». Le test bêche permet de diagnostiquer l’état de la structure du sol à travers ses différentes caractéristiques (porosité, résistance à la rupture…). Connaître la structure du sol constitue un facteur explicatif du développement de la culture et de l’élaboration du rendement.
Pour réaliser ce test, il faut bien prendre soin de se positionner au meilleur endroit donc éviter les endroits de passages. Le test consiste en la découpe d’un carré de sol de 20x20cm sur 25cm de profondeur que l’on retire du sol et que l’on pose délicatement sur une bâche. Le fait de constater si le sol tient sur la bêche ou la bâche permet déjà de savoir s’il est de type ouvert ou plutôt massif. Un sol qui tient sur la bâche et la bêche est généralement le signe de nombreuses racines qui le structurent mais cela peut également être un signe de compaction du sol (structure ouverte = O (sol poreux, pas ou peu de tassements), structure continue = C (sol plus ou moins compacté), ou structure massive = M (sol compacté, un seul bloc). La suite du travail consistera à séparer les différentes mottes. Dans le cas d’une structure grumeleuse, on observe beaucoup de porosités à l’œil nu, c’est le signe d’un sol bien aéré (mottes dîtes gamma). Dans le cas d’une structure plus compacte, on observe des mottes plus anguleuses et plus compactes (mottes delta ou delta zéro si quelques racines et/ou traces de vers de terre sont observées). Plus le pourcentage de mottes delta est élevé, plus le sol est compacté et l’activité biologique faible.


Les différents types de motte. (Source : Mode Opératoire Test Bêche Structure ; ISARA-LYON ; Joséphine Peigné, Jean-François Vian et Yves Gautronneau)


Schéma d’interprétation du test bêche (source : ISARA)

Des solutions concrètes à expérimenter sur son exploitation : vers des couverts permanents en bio ?

Cette méthode a été mise en pratique dans différentes parcelles et parfois même complétée de profils de sol permettant un examen plus approfondis de la situation. Des parcelles bios en labour ou sans labour ont été visitées ainsi que des non bios en semis direct sous couvert. Il en résulte la nécessité d’approches pragmatiques concernant le travail du sol, et en particulier le labour. Si ce dernier reste très fréquent en bio, sa non systématisation toutes les années semble être adoptée par de plus en plus d’agriculteurs. En d’autres termes, cela revient à sortir la charrue si besoin, au cas par cas, en fonction de l’état de la parcelle avant semis, et en particulier de la pression de mauvaises herbes. La diminution de la dépendance au labour va très clairement de pair avec une couverture maximale du sol via des couverts végétaux bien fournis. C’est par exemple ce que fait Guillaume Joubert, représentant de BASE PACA et agriculteur en semis direct depuis 2009 avec des semis de mélange de féverole (130 kg/ha), vesce (30 kg/ha), seigle (30 kg/ha) et radis (4 kg/ha) fin aout pour une destruction avant l’implantation d’une culture de printemps au glyphosate, dont la nocivité sur la vie du sol serait moindre que le labour. Néanmoins, l’objectif de beaucoup est de tendre vers un travail du sol réduit sans herbicide associé à une couverture maximale, afin de réduire au maximum les effets négatifs sur l’environnement. Des pistes existent en bio du côté de l’implantation de trèfle sous couvert de blé au stade épi 1 cm de celui-ci, voire d’association entre la céréale et la légumineuse dès le semis. Les essais menés en ce sens en région Lyonnaise par l’ISARA montrent qu’un semis associé de trèfle et de blé limite la pression en adventices, n’impacte pas significativement le rendement du blé mais impacte à la baisse la teneur en protéines par rapport à un blé pur du fait d’une concurrence tardive en eau et éventuellement en azote. La fertilisation du blé permettrait de gommer cet effet compétition du trèfle. Ces références nécessitent maintenant d’être acquises en PACA : c’est l’objet des programmes d’expérimentations à venir pilotés par le réseau Bio de PACA.

Mathieu Marguerie et Gaelle Caron, Agribio 04

Pour aller plus loin : fiche engrais verts en grandes cultures bio

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