Cultiver et transformer la biodiversité fruitière pour s’adapter aux changements climatiques - Témoignage de Thibault KERHOAS, Arboriculteur et vigneron entre St Pierre de Mézoargues et Théziers

24 novembre 2023

Mieux connaître et évaluer les espèces et variétés de la diversité fruitière régionale : c’est l’objectif des 3 partenaires du volet arboriculture du projet Diversigo, qui s’achèvera par une présentation des résultats durant l’après-midi du 24 novembre 2024 à la Maison de la Bio. Le GRAB a travaillé sur la poursuite de l’évaluation de la tolérance aux bio-agresseurs des variétés anciennes régionales des espèces classiques (Fruinov) : pommes, poires, prunes, pêches, abricots, cerises et amandes. L’INRAE d’Avignon a d’une part estimé la capacité de valorisation de ces variétés par les ateliers de transformation existants et a d’autre part évalué leur potentiel technologique et organoleptique lorsqu’on les transforme. Enfin, Bio de PACA a fait des recherches sur des espèces encore rares dans notre région (jujube, kaki, nèfle, argouse, mûre, feijoa…) qu’il pourrait être intéressant de développer dans un contexte de changement climatique.

Thibault KERHOAS, arboriculteur passionné par la biodiversité cultivée, témoigne pour vous :


J’ai repris l’exploitation familiale en 2012, à l’époque principalement dédiée à la production de raisin de cuve. Les vignes sont menées en bio depuis près de 50 ans et le vin est élaboré dans notre cave particulière. Les terres sont à cheval entre le Gard et les Bouches du Rhône, entre Théziers et St Pierre de Mézoargues.

Mon projet d’installation était en arboriculture, j’ai donc réintroduit des arbres fruitiers petit à petit. Entre 2011 et 2012, j’ai planté 2 ha de verger multi-espèces et multi-variétal sur des alluvions du Rhône, qui est entré en production en 2015. J’ai également repris une parcelle de 0.7 ha de gala et un petit morceau en coteau de 0.2 ha d’abricotiers. Au total, actuellement je cultive une centaine de variétés de fruits sur 8 espèces : pêches, nectarines, abricots, pommes, poires, cerisiers, kakis et aussi un peu de vigne de table, en dix variétés (Ora, Cardinal, Chasselas, Centenial, Alphonse lavallee, Muscat d’Alexandrie, Muscat de hambourg, Dattier de Beyrouth).

Je vends tous mes fruits en circuit court à une clientèle d’habitués, si bien que je ne souffre pas vraiment de la crise actuelle que traverse le marché bio. Pour le vin, la commercialisation est tout de même plus compliquée actuellement…

Pour moi, la diversité est à la fois source d’épanouissement et de résilience économique. Cette parcelle multi-espèces et multi variétale est vraiment rentable, mais elle m’occupe presque toute l’année. Entre elle et les vignes et la cave particulière, cela ne me laisse pas beaucoup de moments calmes !

Malgré tout, ma curiosité pour les fruits m’a poussé à accepter récemment un nouveau challenge en participant à l’une des suites du projet Diversigo : le projet Diversifruit Rhône porté par Bio de PACA et le GRAB, financé par la Compagnie Nationale du Rhône. Il s’agit de tester encore plus d’espèces et de variétés fruitières avec une entrée résilience face aux changements climatiques. Ainsi, au mois d’août 2023, j’ai greffé des variétés anciennes régionales d’abricotiers sur des myrobolans qui étaient déjà en place et en février 2024 je vais planter des fruits nouveaux : 109 feijoas, 225 pistachiers, 55 grenadiers, 45 pacaniers, 30 noisetiers, 30 myrtes et aussi une dizaine d’agrumes et de caroubiers. Pour ces deux derniers, l’idée est de tester avec de tout petits effectifs la résistance aux froids de l’hiver et du début du printemps, sachant que je leur réserve l’endroit le plus abrité et le moins gélif de mes terres. Mon grand-père m’a toujours raconté qu’il y avait autrefois un grand caroubier sur nos terres : l’idée d’en planter à nouveau me trottait dans la tête depuis un moment, mais il faut tester des variétés peu gélives. C’est une espèce à croissance lente, je ne suis pas prêt d’y voir les premières gousses, mais déjà cet essai permettra de voir si ça pousse ici ou si cette espèce est si gélive qu’on le dit !

Le test sur la myrte est un petit clin d’œil à ma cave : pourquoi pas essayer de faire du vin de myrte, comme le font les Corses...

Les arbres seront principalement plantés en haies fruitières autour de mes vignes. En plus de leur principale vocation de production de fruits que j’intègrerai dans mes ventes, elles créeront de petits corridors écologiques et serviront de réservoirs à faune auxiliaire. Entre 4 et 8 variétés par espèce seront testées et évaluées par le GRAB et Bio de PACA, l’idée étant de voir si certaines sont plus adaptées que d’autres aux conditions pédoclimatiques de mon terroir. Ayant peu de disponibilité en eau sur ce secteur, nous avons choisi des espèces peu gourmandes (excepté pour les agrumes, mais seuls quelques arbres seront plantés pour satisfaire ma curiosité et mon envie de pouvoir manger quelques fruits…). Il sera intéressant d’évaluer la production fruitière permise par ces espèces avec de faibles apports d’eau. Vendre ces fruits, pour certains méconnus, sera aussi un challenge !

Pour s’inscrire à l’après-midi du 24 novembre, cliquez ici.

Pour accéder aux fiches variétés régionales des espèces communes, cliquez ici.

Pour consulter les fiches espèces fruitières encore rares, cliquez ici.

Propos recueillis par Anne-Laure DOSSIN, Chargée de mission Aides, Réglementation, Conversions, Filière Arboriculture à Bio de Provence-Alpes-Côte d’Azur.

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