Interview : Le Village, maraîchage bio à Cavaillon dans Vaucluse

9 novembre 2023

Dans le cadre du projet DiversiGO sur la filière couverts végétaux, Patrick VIDAL et Yoan ROQUES, encadrants techniques à l’atelier maraîchage du Village à Cavaillon (84), ont bénéficié de commandes groupées de semences bio locales de couverts végétaux.
Découvrez leur témoignage dans cet article !

Des semences de couverts végétaux et des variétés maraîchères bio et locales !


Patrick VIDAL et Yoan ROQUES, encadrants techniques à l’atelier maraîchage du Village à Cavaillon (84)

Démarré en 2019, DiversiGO est un projet porté par le Grab (Groupe de Recherche en AB) avec de nombreux partenaires dont le réseau des agriculteur-rices Bio de PACA (Agribio 04, Agribio 05, Agribiovar, Agribio 84 et Bio de PACA). Il vise à promouvoir la biodiversité cultivée sur les exploitations agricoles pour adapter notre agriculture aux effets du changement climatique. Parmi les actions phares du projet, les maraîcher-ère-s participant-e-s au projet ont réalisé des essais de variétés population, dans un but conservatoire, mais également pour favoriser la circulation de variétés populations adaptées à la région PACA. Une des autres actions phares du projet a permis de mettre en place une commande de semences de couverts végétaux bio à destination d’exploitations maraîchères rencontrant des difficultés à s’approvisionner localement et à bas coût. Issues de céréaliers et éleveurs bio de la région PACA, ces semences sont ensuite livrées dans un point central, et réparties par département, puis transportées vers des sites départementaux de livraison. En 2023, cette démarche exploratoire a permis d’approvisionner environ 80 bénéficiaires et 13 tonnes de semences à travers la région PACA. L’exploitation agricole de l’entreprise d’insertion Le Village à Cavaillon participe au projet DiversiGO depuis 2022, voici le témoignage de Patrick Vidal, leur encadrant maraîcher :

Patrick Vidal, pouvez-vous nous présenter la ferme et son contexte ?
Le village est une association qui fait de l’insertion pour adultes. Il y a différents ateliers, un atelier menuiserie/soudure, un atelier écoconstruction, un atelier briqueterie, un atelier transformation de fruits et légumes, un atelier cantine et un atelier maraîchage, certifiés en agriculture biologique.

  • Sur l’atelier maraichage il y a deux encadrants techniques pour deux équipes en insertion (10 personnes à peu près). On produit des paniers de légumes pour les adhérent.e.s du Village, des paniers solidaires pour les salarié.e.s en insertion, on fournit des légumes pour la cantine et pour un restaurant d’insertion. Et ponctuellement on donne des légumes pour l’atelier de transformation.
  • C’est du maraîchage diversifié, donc autour de 35 légumes différents sur l’année. Et en termes de surface on cultive sur une parcelle historique de 8mille m2 et 4 serres de 150m2, et on met en culture depuis 2 ans une parcelle de 2ha1/2.
  • On a un sol sableux, avec un très faible taux de matière organique. On autoproduit une partie de nos plants dans une serre bioclimatique.
  • Les pratiques culturales c’est du maraîchage sans travail du sol sur planches permanentes de 1m de large et 30m de long, avec une couverture permanente de matière organique, que ce soit de la paille, du fumier, du bois broyé/composté, et du compost fin de déchets verts (semis de petites graines).

Pourquoi avez-vous participé à la commande groupée de couverts végétaux de DiversiGo proposée par le réseau bio cette année ?

J’ai été informé de l’opportunité de cette commande groupée par la conseillère maraîchage d’Agribio 84.
Nous pratiquons le maraîchage sur sol vivant et nous utilisons beaucoup de matière organique. Nous sommes dépendants de la matière organique importée, c’est pourquoi nous essayons de l’autoproduire. L’idée est de semer des couverts végétaux (engrais verts) entre les cultures de légumes, et ensuite de les occulter pour cultiver les légumes. Les couverts végétaux sont importants pour la fertilité, au-delà de la biomasse apportée il y a un travail sur la texture du sol par les racines.

Combien de graines avez-vous commandé ?

J’ai commandé 25kg d’ers, 25kg de seigle, et 25 kg de blé. Et j’avais déjà de la fèverole autoproduite, de la crotalère, du sorgho fourrager, de l’avoine et de la vesce de printemps.

Que conseilleriez-vous aux personnes qui aimeraient se lancer dans la mise en place de couverts végétaux ?

Je conseillerais d’intégrer dès le départ les couverts végétaux dans l’assolement. De les considérer comme une culture à part entière, de ne pas attendre qu’on ait de la place ou le temps. Il faut anticiper sur le plan de culture : la surface dédiée, le calendrier d’implantation, le temps de destruction ou d’occultation, entre les cultures de légumes. Considérer que l’implantation et la destruction des couverts font partie intégrante de l’itinéraire technique des légumes.

Le projet « Graines de Couverts » porté par le Réseau bio de PACA prendra la suite de cette action en 2024, quelles suites aimeriez-vous voir dans ce projet ?

Sachant que si je produis un peu de fèverole je trouverais ça intéressant de la troquer ou l’échanger contre d’autres espèces. Donc j’aimerais que les deux soient possibles, acheter mais aussi échanger.
Il me paraîtrait également intéressant d’échanger sur les expériences des collègues sur les ITK d’implantation de couverts sans travail sol, ce qui n’est pas toujours facile en particulier avec des semences petites à moyennes.
Également intéressant d’échanger avec des maraîchers sur les dates de semis des couverts envisageables dans le calendrier d’implantation des légumes, en fonction des saisons et de la durée du cycle des différentes cultures. Le réseau Bio a prévu d’organiser des journées d’échanges techniques à ce sujet dans le cadre du projet, et de faire des fiches recueillant des données de différents agriculteurs.trices.


Quels essais avez-vous réalisé dans le cadre de DiversiGO cette année et pourquoi ?

Des essais de variétés population d’aubergine : les variétés Barbentane et Taron, qui sont multipliées par le réseau EDULIS et qui nous ont été fournies par la conseillère maraîchage d’Agribio84. Et par ailleurs on a fait d’autres aubergines pour la production : Tonda sfumata di rosa, black beauty, grosse blanche). C’est essentiellement pour reproduire de la semence de variétés populations.

Pourquoi est-ce que vous vous intéressez aux variétés populations ?

C’est surtout pour améliorer l’autonomie des producteurs, produire ses propres semences et ne pas dépendre des hybrides. Et ensuite parce que reproduire sa semence ça permet de développer des lignées adaptées au terroir et aux pratiques culturales propre à chacun.e.

Qu’est-ce que vous conseilleriez aux agriculteurs qui aimeraient commencer à utiliser des variétés population ?

De ne pas avoir peur de faire sa propre semence, parce qu’on croit toujours que celle achetée est toujours mieux et ce n’est pas toujours le cas. Donc il faut avoir confiance en la semence qu’on réalise. Et se former pour apprendre à bien le faire.

Avant d’être encadrant technique au Village, vous étiez à votre compte et membre du réseau EDULIS*. Qu’est-ce qui vous a motivé à rejoindre ce réseau ?

Lorsque l’on produit ses semences, on fait rapidement des grosses quantités d’une variété, plus que ce dont on a besoin. Donc l’idée c’est de se fédérer avec d’autres agriculteurs.trices pour échanger les semences que l’on produit. Cela permet également de découvrir des variétés locales et peu connues, et de retrouver des variétés qui ont disparues des catalogues.

Qu’est-ce que vous envisagez par la suite pour Le Village ?

Tout cet aspect reproduction de semences, j’aimerais faire plus de diversité que ce qu’on fait déjà. Et puis développer encore la pratique des engrais verts, pour minimiser la dépendance à la matière organique importée.

*Réseau EDULIS : (Ensemble Diversifions et Utilisons LIbrement les Semences) est un réseau de producteurs qui multiplie des semences de légumes locaux ou localement adaptés dans un but conservatoire, mais également pour favoriser la circulation de variétés populations adaptées à la région PACA. Ce réseau a été soutenu et impulsé par le Grab d’Avignon.

Propos recueillis par Fausta Gabola, animatrice et conseillère maraîchage et volailles bio à Agribio 84

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