Portrait d’agriculteur.ice.s : Frédéric Chaillan
Découvrez nos agriculteurices et leurs parcours ! Rencontrez à travers un court reportage le quotidien et les convictions des producteurices en bio dans le Vaucluse.
Temps de lecture : 5 minutes
Témoignage récolté (lors d’une interview) le 24 février 2025.
Portrait d’agriculteur bio : Un parcours de passion et d’adaptation
De l’agronomie à l’exploitation
Frédéric Chaillan a commencé sa carrière avec des études en agronomie, suivies d’un BTS agricole. Après avoir travaillé comme salarié agricole pendant une vingtaine d’années, il s’est lancé dans l’agriculture biologique, motivé par une passion de longue date pour le jardinage. Il raconte : “Familialement, il y a toujours eu un jardin à proximité du foyer. On avait un petit jardin où j’ai participé avec mes grands parents. C’est aussi grâce à eux que j’ai commencé à m’intéresser au jardinage. J’ai toujours eu un bout de terrain.”
Les débuts en maraîchage
Sa carrière agricole a débuté en 1988, lorsqu’il a travaillé pendant deux ans chez un maraîcher bio pour apprendre le métier. Cette expérience lui a montré le potentiel commercial et technique de l’agriculture biologique, tout en lui faisant prendre conscience des défis du métier. “Je suis allé bosser comme technicien agricole pendant quelques années. Et puis je me suis dit, je vais me mettre à mon compte. Tant pis, je vais y aller. Je ne voulais pas faire comme lui. En fait, j’ai fait comme lui.” affirme-t-il.
Installation et développement
Il commence par louer une première ferme à Carpentras avec bâtiments et terres ; ce qui était assez complexe à trouver. Il y cultive 3 hectares, dont 80 m² de serre. L’agriculteur a du s’adaptation à un sol qualifié de "difficile et fatigué".
En 2005, il parvient à investir dans l’achat de sa propre exploitation de 5 hectares. En 2012 il achète 3 hectares supplémentaires. L’agriculteur y installe 4,5 m² de serres.
Défis et adaptations - Adaptation au terroir
Frédéric a dû s’adapter à des terroirs très différents entre Carpentras (sol caillouteux et fatigué) et sa nouvelle exploitation (sol marécageux). Ces changements ont nécessité des ajustements dans ses méthodes de culture et l’achat de matériel spécifique. Fred affirme :
“Je suis arrivé à Carpentras, j’avais des terres extrêmement fatiguées parce qu’il y avait du maraîchage intensif sur un sol qui ne faisait pas plus de 50 cm, avec beaucoup de galets. Je me suis rendu compte que c’est un sol qui chauffait très vite."
Gestion du climat
Le changement climatique a eu un impact significatif sur ses pratiques. Il a dû adapter ses périodes de culture, notamment en décalant les cultures d’automne vers fin août. Les variations de température extrêmes ont également posé des défis, comme des gelées inattendues à Carpentras.
Investissements et mécanisation
L’agriculteur reconnaît avoir sous-investi au début, ce qui l’a conduit à travailler plus physiquement : "Je pense que je n’ai pas assez investi au début, parce que je n’ai pas voulu m’endetter, mais ça m’a conduit à travailler beaucoup plus physiquement.". Il a principalement acheté du matériel d’occasion pour s’équiper progressivement, soulignant l’importance d’avoir suffisamment de surface pour faire des rotations correctes et intégrer des cultures comme les céréales pour améliorer la santé du sol.
L’engagement dans le bio
Le choix de l’agriculture biologique était une évidence pour lui, motivé par des préoccupations de santé environnementale et humaine. Il s’oppose à l’utilisation de produits chimiques en agriculture conventionnelle, soulignant les risques pour la santé des agriculteurs et de l’environnement : "À mon époque, l’agriculture bio était invisibilisée en études, je me suis dit qu’ils ne connaissaient pas le bio. Mais c’était une évidence pour moi de commencer en bio. J’allais pas mettre des produits chimiques dans un sol. C’est des choses qui n’ont rien à faire dans la nature ! Ça va se retrouver dans l’eau, dans l’air, etc. C’est une question de santé de l’environnement, de santé de la terre, de santé globale pour nous aussi. La santé des salariés, des agriculteurs..."
Évolution des pratiques bio
L’agriculteur note l’évolution des pratiques en agriculture biologique, citant l’exemple de la roténone, autrefois utilisée sans précaution et maintenant interdite. Il souligne l’importance de rester vigilant même avec les produits autorisés en bio.
“Au début, par exemple, on utilisait la roténone. C’est un produit issu d’un arbre tropical. Donc on considérait que ce n’était pas toxique parce que c’était autorisé en bio, ce qui était faux. On utilisait alors le produit en short et sans masque, sans rien. Et puis après, ça a été interdit parce que ça risquait de provoquer des pathologies, etc.”
Statu de semi-retraite
Même à la retraite, l’agriculture reste une passion difficile à lâcher. Installé en semi-retraite depuis 2020, l’agriculteur confie que l’arrêt complet lui semble presque inconcevable : « Le travail, c’est comme une drogue ». Ce n’est pas un besoin financier qui le pousse à continuer, mais un besoin profond de rester actif, de toucher la terre : « Tant que je peux le faire, pourquoi je n’aurais pas encore un petit jardin, un grand jardin ? » Il parle d’un « sevrage lent » plutôt que d’un véritable arrêt, et reconnaît que beaucoup d’agriculteurs ne quittent jamais vraiment leur métier : « La plupart, ils continuent dans leur coin, c’est leur truc, c’est leur univers ». Aujourd’hui cotisant solidaire, il apprécie la liberté retrouvée : « C’est vraiment un repos, je pense. Pas avoir à gérer les horaires, la paperasse, les absences… ». Une manière douce de décrocher sans vraiment se déconnecter, dans un équilibre qui lui ressemble.
Rôle d’Agribio 84
Pour cet agriculteur, l’un des leviers essentiels pour progresser dans le métier, c’est l’échange. « Les visites d’exploitation, voir comment les autres travaillent, surtout quand on démarre », lui semblent indispensables, tout comme le fait de ne pas croire aux « recettes miracles ». Frédéric souligne l’importance du rôle joué par Agribio 84, qui favorise les échanges techniques, les rencontres entre paysans et l’entraide sur le territoire. « Plus il y a d’échanges, mieux c’est », affirme-t-il, convaincu que c’est aussi comme cela qu’on évite les erreurs. Il cite une formation sur le kiwi, proposée via Agribio, qui lui a permis de confronter son projet à la réalité : « ça m’a permis de voir que ce n’était pas réaliste de faire mes plants ».
Au-delà de la promotion de l’agriculture biologique, il insiste sur l’importance de produire « d’une manière saine, qui protège l’environnement, mais qui permet aussi de gagner sa vie ». Pour lui, l’exemplarité des fermes bio est précieuse, tout comme le soutien aux nouveaux installés, que l’association permet de renforcer.
Par ailleurs, Frédéric reste très actif et engagé dans le secteur associatif. Il multiplie les soutiens pour les causes qui lui tiennent à coeur, comme l’association Rosmerta.
Conseils pour les générations futures
Pour celles et ceux qui souhaitent se lancer dans l’agriculture, le conseil de cet agriculteur est clair : « ne pas rester seul », mais aussi « se former, aller travailler chez un maraîcher ». Selon lui, les stages courts sont souvent insuffisants pour appréhender la réalité du métier : « on fait un stage, un bout de saison tout petit, c’est pas suffisant ».
Il insiste également sur la nécessité d’avoir une bonne condition physique, et surtout d’anticiper les débouchés avant de s’installer : « se dire comment je vais vendre ». Il partage l’exemple de deux jeunes maraîchères qu’il a accompagnées, prises de court par une production de courgettes sans solution de vente : « elles ont appelé au secours ».
Pour lui, il est aussi temps de repenser la trajectoire des agriculteurs, sans forcément viser une carrière à vie : « pourquoi pas faire 10 ans, 15 ans ou 20 ans agriculteurs et puis changer après ? ». Il met en garde contre les projets idéalisés, souvent inspirés des réseaux sociaux, et rappelle que l’agriculture est un vrai métier, avec ses contraintes et ses réalités.
Ce parcours représente un métier fait de passion, d’adaptation constante et d’engagement envers des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. Malgré les défis, Fredéric exprime sa satisfaction d’avoir pu produire correctement et vivre de sa production, tout en contribuant à une agriculture plus durable.
Rédaction et réponses récoltées par Perrine Hoffman, apprentie en communication d’Agribio84.

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