Interview : Bruno Carpentier, maraîcher bio aux Mées dans les Alpes de Haute-Provence
Dans le cadre du projet DiversiGO sur la filière couverts végétaux, Bruno Carpentier, maraîcher bio aux Mées dans les Alpes de Haute-Provence, a bénéficié de commandes groupées de semences bio locales de couverts végétaux.
Découvrez son témoignage dans cet article !
Démarré en 2019, DiversiGO est un projet porté par le Grab (Groupe de Recherche en AB) avec de nombreux partenaires dont le réseau des agriculteur-rices Bio de PACA (Agribio 04, Agribio 05, Agribiovar, Agribio 84 et Bio de PACA). Il vise à promouvoir la biodiversité cultivée sur les exploitations agricoles pour adapter notre agriculture aux effets du changement climatique. Une des actions phares du projet a permis de mettre en place une commande de semences de couverts végétaux bio à destination d’exploitations maraîchères rencontrant des difficultés à s’approvisionner localement et à bas coût. Issues de céréaliers et éleveurs bio de la région PACA, ces semences sont ensuite livrées dans un point central, et réparties par département, puis transportées vers des sites départementaux de livraison. En 2023, cette démarche exploratoire a permis d’approvisionner environ 80 bénéficiaires et 13 tonnes de semences à travers la région PACA. Bruno Carpentier, maraîcher bio aux Mées dans les Alpes de Haute-Provence, a bénéficié de cette commande en 2022 et en 2023, voici son témoignage :
Bruno, pouvez-vous nous présenter votre ferme, des débuts jusqu’à aujourd’hui ?
Je me suis installé en 2008 en agriculture individuelle sur un hameau familial de 40 hectares dans la commune d’Entrepierres. En parallèle, pour démarrer une activité en place, j’ai repris 3 hectares et demi d’oliviers aux Mées que j’ai converti en bio. Durant deux années, nous avions tenté avec ma compagne Pauline, de dessiner un projet pour mettre en place des cultures légumières sur le hameau. Malheureusement, le manque d’eau produisait des terres inégales en termes de fertilité et rendait le projet difficile.
Par la suite, le propriétaire des oliviers m’a proposé un terrain de deux hectares aux Mées qui disposait d’un peu d’irrigation. Le projet a alors bifurqué sur ces terres que nous cultivons actuellement. Nous sommes alors repartis de zéro. Nous avons commencé avec deux tunnels. Le propriétaire a pu nous prêter du matériel et nous avons investi pour avoir une irrigation viable. En 2012, nous avons décidé avec Pauline de nous associer pour créer un GAEC.
Depuis la reprise de ces terres, nous avons fait en sorte de continuer à développer notre projet. Aujourd’hui, sur les quatre hectares que nous disposons, nos jardins représentent deux hectares et demi. Nous avons plus de 2 000 m2 de tunnels, nous faisons des légumes diversifiés de saison, sous serres, en planche et depuis peu des légumes de conservation. Au moment du confinement, nous avons décidé de construire un bâtiment qui comprend d’un côté une pépinière, et de l’autre notre logement.
Comme notre projet s’agrandissait, nous nous sommes alors associés avec Clément, un ancien stagiaire sur notre ferme, qui est entré dans le GAEC. Grâce à une aide financière, nous avons aussi pu prendre un apprenti, Luca. Dès la fin de l’année, il rejoindra également le GAEC en tant qu’associé avec pour objectif de faire plus de légumes d’hiver. De cette façon, nous pourrions continuer les marchés et les AMAP l’hiver. La compagne de Luca, Maya, devrait aussi rejoindre le GAEC et s’occuper des poules pondeuses du poulailler que nous avons construit au printemps.
L’objectif de travailler en GAEC étant de valoriser au maximum toutes les surfaces, chaque associé peut apporter une activité secondaire selon ses envies, et son implication en plus de notre activité principale en maraîchage. Clément s’est par exemple formé sur la comptabilité et en est maintenant en charge sur la ferme. Cela nous apporte alors plus de visibilité sur les cultures. Le fait que je me sois beaucoup intéressé à l’agronomie et la préparation du sol, et grâce à la formation de Clément avec l’Atelier paysan, nous disposons aujourd’hui d’outils pertinents pour nos surfaces en maraîchage. Nos nouveaux associés ont permis le développement d’AMAP à Peyruis et Oraison, ce qui nous aide à anticiper les salaires de chacun. Travailler en GAEC permet aussi de mutualiser des outils amortis et donne l’occasion à des jeunes de s’installer sans devoir démarrer de zéro.
Alors que nous avions des difficultés à nos débuts avec Pauline pour se nous rémunérer, l’évolution du projet nous permet aujourd’hui de nous dégager un salaire.
Pour quelles raisons avez-vous participé au projet DiversiGO ?
Avant que je rejoigne le projet, j’utilisais des variétés de la coopérative qui n’étaient pas toujours locales, qui venaient même parfois de loin.
Participer au projet DiversiGO m’a permis d’acquérir des semences locales et de diversifier mes semences d’une année à l’autre. L’intérêt des semences locales est qu’elles sont reproduites sur le territoire et qu’elles s’adaptent aux conditions pédoclimatiques. Par rapport aux semences proposées par la coopérative, je peux maintenant acheter des semences que je n’utilisais pas habituellement, comme la Ers par exemple, et donc diversifier les cultures.
Le projet DiversiGO nous a vraiment apporté un gain de temps. Il nous a permis de rencontrer facilement les producteurs et les utilisateurs, d’avoir des échanges sur les semences locales et de commander facilement et rapidement les semences en fonction des quantités disponibles. Cette démarche nous a également encouragé à mieux planifier les surfaces en engrais verts, d’avoir un plus grand choix de semences et donc de nous diversifier.
Combien de semences avez-vous commandé cette année ?
J’ai commandé 525kg de semences en 2023. Tout provenait de DiversiGo. Et les quantités disponibles ont répondu à tous nos besoins pour le maraîchage.
Quels avantages ont les couverts végétaux sur l’exploitation ?
Les couverts végétaux ont l’avantage de maintenir de belles cultures et d’apporter une bonne biomasse. Dès mes débuts, j’utilisais à la fois des apports de compost et la mise en place d’engrais verts. Au fur et à mesure, les couverts végétaux m’ont permis de réduire les apports en compost.
Que conseilleriez-vous aux agriculteur-rice.s qui aimeraient se lancer dans la mise en place de couverts végétaux ?
Les couverts végétaux sont bien adaptés à l’échelle de notre exploitation. Nous avions eu l’idée de faire des apports de broyats. Un test avec Agribio 04 a permis de montrer que c’était intéressant mais nous nous sommes rendus compte que c’était trop énergivore et coûteux. La filière broyat n’est pas suffisamment développée dans le 04 ce qui fait qu’il y a peu de matière de broyat intéressante à valoriser dans les champs.
Nous avions aussi eu l’idée de faucher pour faire des paillages de matière végétale. Mais de la même façon, nous nous sommes vite rendus compte que cette technique demandait de réaliser des chantiers trop importants.
Les couverts végétaux restent alors ce qu’il y a de mieux pour une exploitation de la même taille que la nôtre. Ils permettent de créer une bonne biomasse et de maintenir une texture du sol intéressante. Ici, nous avons aussi l’avantage d’avoir l’irrigation en place, ce qui facilite la mise en place de couverts végétaux.
Les difficultés que nous pouvons rencontrer avec les couverts végétaux sont à la sortie de l’hiver. Les engrais verts se dégradent moins bien. Il faut alors davantage travailler le sol pour qu’ils puissent se décomposer plus rapidement, et être utilisés de manière optimale pour pouvoir planter ensuite.
Le projet « Graines de Couverts » porté par le Réseau bio de PACA prendra la suite de cette action en 2024, quelles suites aimeriez-vous avec ce projet ?
« Graines de Couverts » continuera à contribuer pour nous à une certaine pérennisation économique. Ce projet nous permettra de continuer facilement à planifier les surfaces en engrais verts et à nous diversifier. Grâce à « Graines de Couverts », nous allons pouvoir réaliser d’autres essais de couverts et donc nous rapprocher de ce qui convient le mieux à l’exploitation. Peut-être que ce projet nous permettra aussi de faire des essais de germination dans la pépinière.
Dans ce projet, nous n’avons pas d’objectif de faire des semences pour des couverts végétaux parce que nous n’avons pas assez de surfaces. Mais je suis ouvert et intéressé de voir l’évolution du projet notamment en termes de proposition de variétés de semences dans les Alpes de Haute-Provence.
Propos recueillis par Axelle LHOPITALLIER, Agribio 04
Agribio 04
Village Vert
5 Place de Verdun
04 300 FORCALQUIER
Email : agribio04@bio-provence.org
Tel. 04 92 72 53 95