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de Provence-Alpes-Côte d'Azur

Gestion de la bruche sur les féveroles

La présence de bruches diminue le taux de germination des semences et rend les graines impropres à la consommation au-delà d’un certain seuil. Les bruches sont des insectes qui attaquent les légumineuses, et sont plus ou moins spécifiques des cultures.
Retrouvez via cet article, une fiche technique sur la gestion de la bruche de la féverole en bio, issue de retours d’expériences d’agriculteurs en région PACA, ainsi que d’autres références de partenaires

La Bruche de la féverole

Physiologie de la bruche de la féverole
La « Bruche de la Féverole » ou « Bruche de la Fève » (Bruchus rufimanus) est un coléoptère de la famille Chrysomelidae. Les œufs mesurent 0,6 mm de diamètre, la larve atteint 3 à 5 mm et l’adulte a une taille de 3,5 à 5 mm de longueur. La bruche de la féverole est spécifique à Vicia Faba, elle s’attaque à la fèverole et fève. La gesse commune (Lathyrus sativa) serait une plante de la « tribu hôte » de la bruche de la féverole.
La bruche de la féverole se différencie de la bruche du pois (Bruchus pisorum), par ses fémurs roux au niveau de ses pattes antérieures. La bruche du pois est également spécifique puisqu’elle touche uniquement les pois d’hiver et de printemps.

Différence entre la bruche de la féverole et la bruche du pois. Photos par Terres Inovia.

Cycle de la bruche de la féverole

Cycle biologique de la bruche de la féverole. Référence : geco.ecophytopic.fr/

1. Déplacement des adultes vers les cultures hôtes : Les bruches quittent leur lieu d’habitation hivernal lorsque les températures sont supérieures à 20°C. Une étude de l’INRAe a montré que la féverole émet des signaux chimiques aux stades fleurs et fruits, attirant la bruche. Les adultes consomment le pollen et les pétales des fleurs de plantes hôtes.
2. Ponte des œufs : Quelques jours après, les adultes s’accouplent. La femelle pond les œufs isolément sur les gousses lorsqu’elles atteignent 2 cm de long. Les pontes sont observées lorsque les températures maximales sont supérieures à 20°C pendant deux jours consécutifs.
3. Pénétration des larves dans les graines : Après éclosion de l’œuf (développement embryonnaire de 13 jours), la larve pénètre dans une graine, où elle va réaliser son cycle à l’état larvaire (environ 3 mois).
4 & 5. Découpage d’un trou circulaire dans la paroi, nymphose et sortie des adultes : A la fin de son cycle larvaire, la bruche creuse un trou bien rond (2 à 2,5 mm de diamètre) puis se nymphose (10 à 15 jours). Le stade adulte de la bruche s’échappe alors de la graine de façon échelonnée : au moment de la récolte (pour les pontes les plus précoces) jusqu’à plusieurs semaines après récolte (pour les pontes les plus tardives)


Grain de féverole bruché

6. Hibernation des adultes dans des zones boisées ou dans les bâtiments de stockage / silo  : Les dégâts de la bruche sont caractérisés par des trous bien ronds, de 2 à 2,5 mm de diamètre, qui marquent la sortie de la bruche du grain. La densité du grain se retrouve ainsi impactée par ce trou.

En 2024, Agribio 04 a suivi un réseau de parcelles chez des agriculteurs dans les Alpes-de-Haute-Provence. La bruche était présente sur toutes les parcelles, avec des niveaux d’attaques variables entre sites : entre 5 et 8% de bruche.
Méthode : Prélevé un échantillon de grains (100 à 200) au moment de la récolte, au champ ou post-récolte. Compter et retirer les grains bruchés. Mettre les grains dans une pochette plastique fermée (sac congélation). Lorsque vous observer des adultes dans le sacs, compter et retirer les grains bruchés. Attendre environ 1,5 à 2 mois post-récolte avant d’arrêter le test pour laisser le temps aux bruches de sortir.

Méthodes de gestion de la bruche sur féverole

Rotation = délai de retour d’au moins 3 ans
Afin de limiter le développement des populations de bruches, ainsi que des maladies (ascochytose, botrytis…), privilégier un délai de retour d’au moins 3 ans pour la féverole.

Au champ, pas de moyen efficace à date
A date, il n’existe pas de pratiques permettant de limiter la bruche au champ en agriculture biologique. Les associations de culture n’ont pas montré d’efficacité à date sur le taux d’attaque, probablement puisque la bruche est attirée par des signaux chimiques émis par les plantes et que la barrière physique n’est pas suffisante.
Le seul auxiliaire de la bruche identifié à date est une guêpe parasitoïde, Triaspis thoracicus. Or, le parasitisme intervient lorsque le grain est déjà bruché, et la guêpe crée également un trou, même si plus petit (1 mm).
La piste de la pulvérisation d’argiles comme barrière physique semble difficilement imaginable sur la féverole. La période d’application serait au moment de la formation des gousses afin de limiter la ponte. Or, la floraison de la féverole est étalée dans le temps, et l’argile pourrait pénaliser le développement de nouvelles gousses.

Caractériser le niveau de pression au champ : Les observations sont à réaliser lorsque les températures sont autour de 20°C, avec des gousses mesurant au moins 2 cm. Observer 10 plantes linéaires sur 5 zones réparties aléatoirement sur la parcelle, et caractériser le niveau de pression :
🟢 Faible : Aucune ponte
🟠 Moyen : Présence de pontes (1 à 3 œufs/gousse), sur quelques gousses
🔴 Fort : Présence de pontes (plus de 5 œufs/gousse), sur de nombreuses gousses

Récolter tôt = limiter la contamination des parcelles
Peu après la récolte, les bruches sortent du grain au stade adulte, pour aller nicher dans de plantes hôtes d’hivernage environnantes. Il est donc conseillé de récolter tôt la féverole pour conserver les insectes dans le grain, et limiter leur dispersion. Viser une récolte autour de 15 à 20% d’humidité, où la plupart des bruches seront encore dans le grain. Penser à ventiler le grain au stockage pour le ramener à 14% d’humidité.

Stockage = limiter la dispersion des adultes dans la nature
Risque de contamination nul des grains au stockage : Les adultes sortant des grains n’iront pas consommer les autres puisque que la bruche a un cycle de reproduction annuel et que c’est au stade larvaire qu’elle fait des dégâts sur les grains.
Le risque étant que les adultes aillent hiverner dans l’environnement, et contaminent les prochaines cultures de féverole dans les champs aux alentours. Une intervention thermique peut être réalisée afin de tuer les bruches au stockage : un chauffage à air chaud entre 50°C et 70°C selon la durée (effet choc thermique). Celui-ci va également permettre de ramener le grain à 14% si la récolte est anticipée pour limiter la dispersion des bruches au champ. Attention au séchage trop rapide qui pourrait détériorer les graines.
Eviter de cultiver des espèces sensibles aux différentes bruches (lentille, féverole, vesce...), autour du lieu de stockage / triage. Garder un lieu de stockage le plus propre possible permet d’éviter l’installation des insectes pour l’hiver.

Congélation
Les bruches sont sensibles à la congélation, un passage au froid à -18°C pendant 1 semaine éliminera toutes les bruches. Cette étape reste peu pertinente puisque la congélation n’améliore pas la qualité de germination des grains contenants une bruche (l’intérieur du grain étant déjà touché), il est donc préférable de réaliser un triage une fois que les bruches sont sorties.
Cependant, si vous souhaitez réaliser une analyse de maladie sur vos grains via un laboratoire (ex : ascochytose, botrytis…), il est recommandé de congeler vos échantillons au préalable. Si présence de bruche, votre échantillon sera refusé au risque de fausser l’analyse (bruches se déplaçant sur la zone d’analyse et pouvant fausser les analyses micro-biologiques).

Une gestion collective
Les bruches ayant une capacité de déplacement sur de longues distances, il est important d’avoir une bonne gestion à une échelle plus large que la ferme. Les méthodes de lutte doivent être mises en place par différents agriculteurs au sein d’un territoire grâce à l’échange de pratiques, qui permettront d’identifier de nouveaux leviers.

Gestion de la qualité du grain

Exigences qualité
La bruche altère la qualité des semences ou des grains : 1 à 5% de grains bruchés maximum pour l’alimentation humaine.
En cas de pression sur un lot de graines destinées à être re-semées, il est recommandé de réaliser un triage sévère, puis un test de germination afin d’ajuster la densité de semis. La grande partie des grains bruchés ne seront pas viables, même si le germe n’a pas été touché.

Triage
Un triage peut-être intéressant si la récolte est destinée à être semée, ou bien pour améliorer la qualité du lot selon le débouché. Sachant que les grains bruchés sont creusés et ont une densité plus faible, un triage densimétrique peut être envisagé. Réaliser le triage quelques semaines après la récolte, pour laisser le temps aux bruches de sortir du grain.


Tri selon la caractéristique de la semence, GNIS

En cas de pression en maladies sur la campagne culturale, il est possible d’avoir des grains de taille hétérogène. La combinaison d’une table densimétrique et d’un nettoyeur-séparateur pourra être intéressante pour affiner le triage entre les grains petits/gros et sains/bruchés.
En cas de séchage thermique post-récolte, les bruches pourront être tuées avant d’avoir perforé un trou pour sortir de la graine. Dans ce cas, un triage optique est recommandé afin d’écarter les grains bruchés (petite tâche foncée marquant la pénétration de l’insecte). Cette option est envisageable avec des variétés à grains clairs et en absence de maladies (contrastes tâche - couleur du grain).

Références

Retours d’expériences 2023-24 sur la culture de la féverole en contexte méditerranéen, Agribio 04 : à venir prochainement
Bruche de la Fève, GECO
Bruche : des graines perforées, Terres Inovia
Les échos de la bio, Bio Bourgogne et Chambre d’Agriculture
Bruche de la féverole, HERBEA
Caractéristiques de la bruche et de ses dégâts, EPHYTIA
Bruche sur la féverole d’hiver, Terres Inovia et AgriFind
Lutte contre les bruches au stockage, Terres Univia

Contacts et renseignements

Rédaction : Damien FORNENGO, Conseiller et animateur en grandes cultures biologiques Agribio 04, anim.grandes-cultures@bio-provence.org
D’après une synthèse bibliographique et le retour d’expériences de paysans expérimentateurs : Mathurin MESTROT, Philippe GIRARD, Pierre SAUVAT et Gérard DAUMAS.