Le réseau des agriculteurs et agricultrices Bio
de Provence-Alpes-Côte d'Azur

Gestion de la cuscute en agriculture biologique

La cuscute est une plante parasite filamenteuse jaune, que l’on retrouve majoritairement dans les luzernes issues de semences fermières. La contamination d’une seule parcelle, puis sa dispersion, peut entrainer le retournement des luzernes et fragiliser le fonctionnement agronomique des systèmes de cultures conduits en agriculture biologique, où les légumineuses fourragères ont pourtant une place centrale dans les rotations (gestion des adventices, nutrition azotée, structuration du sol...).

Les leviers de gestion étant limités et les appels de producteurs de plus en plus nombreux, cet article vise à résumer les connaissances produites à ce jour sur le cycle de développement de la cuscute et les leviers de gestion disponibles en agriculture biologique.

(Source : Tour du Valat)

La cuscute et son cycle de développement :

La cuscute est une liane parasite annuelle dépourvue de chlorophylle. Elle tire son énergie de la sève des plantes auxquelles elle s’accroche. Elle touche principalement les légumineuses (luzerne, trèfle, vesce, sainfoin…) et peut être toxique pour les animaux affouragés avec du foin contaminé [1]. La cuscute figure sur la liste des organismes nuisibles aux végétaux (arrêté du 31 juillet 2000). Sa lutte n’est pas obligatoire, sauf arrêté préfectoral. 

Elle germe au sol dès le mois d’avril et fleurit rapidement en 4 à 6 semaines (floraison prolongée de juillet à octobre). A partir de 8 à 10 semaines, chaque filament de cuscute peut produire 5000 à 10 000 graines (fructification d’août à novembre). Elle se multiplie principalement par ses graines et/ou végétativement lorsque des fragments de tiges sont dispersés par des outils.

Une nécessité d’intervenir le plus rapidement possible :

Une seule graine de cuscute peut contaminer et détruire 100 à 150m² de luzerne. Pour survivre, les jeunes plantules doivent se fixer dans les 5 jours à une plante hôte. Les graines de cuscute germent en surface (> 1,5cm de profondeur) et peuvent rester viables dans le sol jusqu’à 10 ans, voire plus. Les graines de cuscute sont difficiles à trier (1mm – utilisation d’un trieur magnétique) et se propagent à travers l’utilisation de semences fermières, le mauvais nettoyage d’outils (ETA/CUMA), les animaux et les humains. La principale cause d’infestation serait l’utilisation de semences non triées.

Cuscute observée sur vesce, trèfle d’alexandrie et trèfle violet le 10/07/2024 en Camargue. La cuscute a été broyée puis détruite par submersion.

Les recommandations :

  • Lutter immédiatement dès l’apparition des premiers filaments  !
  • Avoir recours au brûlage thermique avant fructification de la cuscute (zone tampon d’un mètre minimum). Il est préconisé si l’infestation est limitée. Le brulage est autorisé toute l’année mais nécessite une demande de dérogation [2] (à retrouver en annexe 2 ici). Il est considéré par beaucoup d’acteurs comme la seule solution réellement efficace. Les témoignages d’agriculteurs bio relatent l’utilisation de bottes de pailles ou de chalumeaux pour de petites surfaces.
  • Multiplier les broyages avant fructification ou réaliser des faux-semis (germination facile) puis broyer. Le broyage et le faux semis viennent en complément du brûlage pour faire lever le stock semencier. Rien pour l’instant ne démontre une éradication complète par le seul levier des interventions mécaniques mais ces recherches ne sont pas exhaustives.
  • Insérer des plantes non-hôtes dans la rotation. La cuscute serait maîtrisable par la rotation culturale au bout de deux ou trois années en cultivant des plantes non-hôtes comme les céréales à pailles. Une vigilance est cependant de mise concernant les adventices plantes hôtes qui pourraient alimenter le stock grainier.

Et quid des bonnes pratiques  alors ?

  • Utiliser des semences certifiées indemne de cuscute norme «  Zéro cuscute  » (arrêté de commercialisation du 02/10/17 et arrêté du 27/09/22 homologuant le règlement technique annexe des semences fourragères certifiées). Les semences sont mélangées à de l’eau et à de la limaille de fer puis triées au trieur magnétique.
  • Pour les semences fermières, il est recommandé de faire analyser vos lots auprès d’un laboratoire pour faire lever le doute (ex. LABOSEM, 30 - 40€ HT/analyse).
  • Ne pas récolter ou faire pâturer les prairies contaminées pour éviter toutes dispersions de graines et intoxications animales.
  • Nettoyer (destruction/broyage) les abords de parcelles en cas de présence,
  • Nettoyer scrupuleusement le matériel de récolte entre deux parcelles,

Il est également recommandé d’éviter l’implantation de plantes hôtes dans les parcelles contaminées jusqu’à dix ans après la contamination (cinq ans pour d’autres légumineuses sans antécédents cuscute sur la parcelle contaminée). Ce chiffre correspond à la durée de vie des graines de cuscute mais est difficilement entendable en agriculture biologique où les légumineuses jouent un rôle agronomique indispensable dans les rotations. Le recours au labour profond permettrait aussi de mettre en conditions de non-germination les graines de cuscute mais les retours semblent mitigés au vu du très faible taux annuel de décroissance des graines [3] .


Depuis fin 2023, la FREDON Nouvelle-Aquitaine et ses partenaires agricoles et de recherche se sont emparés du sujet pour mieux comprendre la biologie du parasite et identifier des leviers de gestion en agriculture biologique. Cet article est non exhaustif et sera régulièrement mis à jour au grè des avancées techniques et des connaissances acquises.


Rédaction : Clémence Rivoire, conseillère-animatrice en grandes cultures biologiques pour Agribio 04 et la réseau Bio de PACA. Pour toutes questions et remontées terrain : grandes-cultures@bio-provence.org / 07 44 50 30 67
Date de mise à jour : 11/12/2024


[1Le niveau de cuscute ne devrait pas dépasser les 5%. Sur bovin : intoxication après une ingestion longue (30 à 40j) de 1,2kg de cuscute par jour (fourrage contaminé à 50). Absence d’informations sur ovins (Chambre d’Agriculture de Dordogne, 2023).

[2La demande de dérogation est à retrouver dans l’annexe 2 de l’arrêté n°2024-205-010 (Département des Alpes de Haute-Provence). Il est à adresser à la mairie au plus tard 20j avant l’emploi du feu, accompagné de l’autorisation du propriétaire de la parcelle le cas échéant. La maire transmet ensuite la demande à la DDT dans le 10j au service d’instruction

[3TAD : Le taux annuel de décroissance caractérise la viabilité d’une graine après enfouissement dans le sol. Plus ce taux est élevé, plus la graine perd rapidement en viabilité (ex : les graines de brome stérile qui présentent un TAD de 100% perdent l’intégralité de leur capacité germinative un an après enfouissement). A l’inverse, plus le TAD est faible, plus les graines restent viables dans le sol longtemps. La longévité d’une graine de cuscute atteindrait les 40 ans après enfouissement, caractéristique d’un TAD très faible.