Jérôme Viau, Président de la Communauté d’Agglomération du Pays de Grasse, nous parle des enjeux agricoles de son territoire.
Pouvez vous donner les caractéristiques de votre communauté d’agglomération en deux mots, notamment concernant l’agriculture ?
Le Pays de Grasse a toujours été une terre d’agriculture (Oliviers, vignes, vaches, maraichage…). Evidemment, avec l’apparition de l’industrie du parfum, notre agriculture s’est beaucoup orientée vers la culture des plantes à parfum. Au sud du territoire de notre actuelle Communauté d’Agglomération du Pays de Grasse on y trouvait des champs de Roses centifolia, de Jasmin, de Tubéreuses, d’Iris et autre Géranium rosat ainsi que du maraichage dans la plaine de la Siagne par exemple. En remontant vers nos montagnes, après les coteaux de Jonquilles, les plaines de Narcisses, l’élevage ovin a toujours été très présent à côté de la culture des céréales et des vergers. Pendant l’estive, nos brebis Préalpes de Grasse croisaient les cueilleurs de Lavande vrai qui transformaient, sur place, l’huile essentielle.
Aujourd’hui, notre territoire a gardé les mêmes caractéristiques mais il a un temps oublié à quel point toute cette agriculture était consécutive de son identité. La pression foncière a fait le reste.
Pourquoi la communauté d’agglomération s’approprie-t-elle les enjeux agricoles du territoires ? Quels sont les objectifs de cette politique ?
Cet héritage, facteur d’ancrage identitaire, présent dans l’imaginaire collectif à travers le monde entier, et qui était de plus en plus fragilisé, nous a amené à replacer l’agriculture au cœur de nos préoccupations. Ce que la CAPG veut préserver et valoriser aujourd’hui n’est pas seulement une image, ce que nous disons aujourd’hui, c’est que l’agriculture est garante de tout un équilibre. Son maintien constitue un enjeu majeur d’un point de vue économique, environnemental et social. Au côté des communes, la CAPG veut faciliter et encourager l’installation agricole sur son territoire. Par son action, elle souhaite :
renforcer le rôle économique des exploitations agricoles,
reconnaître et prendre en compte l’agriculture dans la gestion du territoire,
favoriser le rapprochement entre agriculteurs et acteurs du territoire.
En tant qu’élu, qu’est-ce qui vous motive dans cet enjeu de maintien de l’agriculture ? Comment vivez-vous cette responsabilité ?
Vous savez, même si on peut à priori penser que Grasse est une ville littorale, la Communauté d’Agglomération du Pays de Grasse, créée au 1er janvier 2014, constituée de 23 communes, 100 000 habitants, s’élevant de 6m d’altitude à plus de 1700m, et foncièrement rurale. Ne pas reconnaître que les forces vives du haut pays sont constituées principalement d’agriculteurs, ce serait faire une erreur. Comme, ne pas avoir de préoccupations environnementales, ne pas se soucier de ce que nous donnons à manger à nos enfants le serait aussi. L’homme a un rôle à jouer dans le développement harmonieux de son environnement. Pour ma part, en tant qu’élu, je considère même que c’est un devoir. Dans quel état seraient nos alpages, la biodiversité de notre territoire si les bergers n’y faisaient plus passer leurs bêtes ? Que deviendrait un monde sans apiculteur ? En tant que Président de la Communauté d’Agglomération, je dois penser à tout cela : trouver un équilibre entre Loups et Brebis, permettre une alimentation saine et locale dans nos cantines, transmettre notre histoire commune et soutenir l’innovation qui se manifeste chaque jour y compris en matière d’agriculture.
Je suis très fier et admiratif du dynamisme de nos chefs d’exploitation à qui on demande aujourd’hui d’être à la fois agriculteurs, transformateurs et commerçants.
Quelles actions sont mises en œuvre sur la thématique de l’agriculture biologique ?
A Grasse, nous n’imposons rien. La Communauté d’Agglomération du Pays de Grasse ne s’impose pas plus à ses communes membres qu’elle ne s’impose à ses entrepreneurs, qu’ils soient industriels, artisans ou agriculteurs par exemple. Notre rôle doit être celui d’accompagner le mouvement dans un dialogue constructif. Vivre de l’agriculture, c’est aussi savoir percevoir son marché, intégrer ses contraintes réglementaires, faire avec ses propres moyens et les soutiens à disposition. Aider l’agriculture biologique ce n’est pas seulement aider les agriculteurs mais créer le contexte, ouvrir le champs de possibles. Ainsi, depuis l’apparition de nos communautés d’agglomérations en Pays de Grasse, nous avons soutenu par exemple la création d’AMAP (la première AMAP des Alpes-Maritimes s’est créée à Grasse dès 2001, aujourd’hui nous en comptons 7) ou mis en place des parcours éducatifs dans le cadre de nos actions d’éducation à l’environnement et au développement durable. Parallèlement, nous soutenions l’agriculture biologique de plantes à parfum telle que proposée par l’association Fleurs d’exception du Pays de Grasse. Les zones protégées se multipliaient : plus de 20 ZNIEFF (Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique) et 3 sites Natura 2000 à ce jour. Aujourd’hui, nous travaillons dans une grande proximité avec Agribio 06 dont un nombre significatif d’adhérents sont des exploitants du territoire. Mise à disposition de salles pour les formations ou réunions, soutien au Festival Alimenterre et opération « De Ferme en ferme », organisation annuelle d’Un été Bio à Collongues depuis plusieurs années…
Par ailleurs, lorsqu’il arrive qu’un bail à ferme puisse être mis en œuvre par la CAPG, celui-ci inclut désormais des clauses environnementales au premier rangs desquelles : l’agriculture biologique.
A cela, se rajoute dans certains cas des politiques communales ambitieuses. Pour ma part, en qualité de Maire de Grasse par exemple, j’ai pu faire mettre en place des partenariats entre agriculteurs et délégataires de service public pour nos cantines. Ainsi, depuis quelques mois par exemple, nos salades vertes sont bio ET locales !
Enfin, j’agis également en qualité de Vice-président du Conseil Départemental des Alpes-Maritimes délégué à l’environnement et je peux vous assurer que notre Département en fait énormément en la matière : aide à la modernisation des exploitations, aide aux CUMA, Installation des jeunes agriculteurs, Plan apicole départemental durable…
Quels sont les résultats et les perspectives ?
Les résultats sont que notre agriculture enfin se maintient ! Nous espérons même une augmentation du nombre des exploitations agricoles au prochain recensement. En ayant su aller au-devant des consommateurs, en étant prêts à satisfaire la demande en produits biologiques de nos concitoyens et industriels, nos agriculteurs ont fait preuve d’innovation et d’une grande clairvoyance. Avec le soutien des collectivités, une très grande partie de notre production s’échange en vente directe. A l’heure où les produits biologiques sont en passe de devenir un standard, c’est ce diptyque « bio ET local » que l’on doit promouvoir. Manger bio c’est bien mais, savoir qui produit, pouvoir aller à la rencontre des agriculteurs pour partager plus qu’un légume bio, un art de vivre, c’est encore mieux.
Témoignage recueilli par Lison Postel, Agribio06